Burn épisode 6

La suite de notre série signée Bass Blender.

Burn in November ‘25’   

Histoires de Bernard Retrand

Encore à se demander s’il ne vaut, tout bonnement, pas mieux qu’il se casse mais Bernard sait qu’il n’est pas le seul à être à bout dans l’open-space. FTV n’est plus que la chimère de l’ombre d’elle-même, l’atmosphère y est sinistre, le visage de la moins connasse de tous est empli de morbidesse, tous ont des têtes de cul prenant le soleil moins que sporadiquement, à part bien sûr l’autre nain radieux que Bernard hait pour être l’exact opposé de ce qu’ils sont au divertissement. Il faut dire que Nagwy s’est montré très compréhensif, et affiche un soutien sans nul égal au boulot depuis que les choses tanguent, du coup Bernard renvoie à son endroit une courtoise complaisance empreinte de sympathie contrainte, comme il a toujours fait d’ailleurs, sauf que maintenant il sait pourquoi. Ce matin, quand s’ouvre la réunion trimestrielle sur les émissions de sport et de divertissement, il se fait tout petit, difficile d’assumer entre les vidéos virales de sa virée bavaroise et les passages de l’émission où ses hommages aux anciens téléspectateurs resteront aussi mythiques que miteux, le tout tourne en boucle dans les zappings, la discrétion est de mise, la réputation qui en résulte le poussent presque à mimer le retrait, la moustache basse des jours où l’on aspire qu’à se réfugier dans l’anonymat, bien qu’elle ne cache qu’une infime partie du problème. La démission à quoi bon, même si cela turlupine. Partir, mais pour quoi faire, maintenant qu’est périmé le bon moment. Bernard assure sans excès, reste fidèle aux valeurs qui ont toujours été siennes, celui qui ne supporte pas les choses à moitié faites est en contradiction avec lui-même, se rassure-t-il. Table ovale d’une soixantaine de collègues, Bernard y siège effacé mais digne donc.

_ Merci Laurent pour ton bilan du tour de France et des championnats du monde d’athlé et de natation, c’était de sensationnels événements dont les points d’orgue furent nos retransmissions c’est vrai.

_ Pour les petits ratés, genre Melson ou les autres prises de paroles indélicates on ne peut que progresser, c’est notre maître-mot depuis trente ans. Quand on arrivera à gommer les réflexions du genre « ils sont parfaitement à égalité », « que serions-nous sans les Antilles et l’Afrique francophone ? » ou alors « ces douze derniers mois, est-ce que ça a été l’année la plus difficile de votre vie ? » bah on n’aura pas perdu d’occasions de se taire, mais après tout l’émotion n’est-elle pas mieux communiquée dans l’ivresse ? C’est normal d’avoir ce genre de péripéties quand on est dans l’émotion, ah bah oui si on pouvait être alerté instantanément quand on dit une bêtise ou un truc raciste, c’est sûr ça serait plus simple mais bon. Alors sinon, bah c’est bien, sur ce point précis de toute façon on est pas à la peine face à nos voisins, donc on continue la démagogie plein pot et quand les filets tremblent on est content à fond les ballons. L’année à venir nous offre les JO d’hiver en Corée qui, comme vous le savez, vont être suivis par quasiment tout le monde donc on reste sur le pied de guerre, et aussi la coupe du monde de foot en Russie, bon on ne la diffuse pas mais on bosse dessus tout comme, ok ? Oui Melson.

_ Oui parce que j’ai pas reçu mes accréditations pour Pyeongchang, et sinon je n’ai fait que Roland moi cette année.

_ Et le patinage là ?

_ Oui enfin c’était du gala et seulement trois retransmissions.

_ C’est beaucoup déjà tout ça, mais waouh c’est fou cette longévité d’ailleurs ! Tu veux continuer tu crois ?

_ Ah bah oui pourquoi ?

_ Nan mais c’est parce que, euh, je ne sais plus quel philosophe disait que le seul étranger avec lequel il a dialogué c’était lui-même…. Et que, comment dire, y en a qui parlent déjà de ton âge d’or sous Mitterrand donc, on se disait juste que tu avais peut-être d’autres paradigmes à étoffer, et surtout, à d’autres encablures que devant nos caméras. Tu ne fais plus partie du groupe depuis sept ans maintenant, à un moment même si on l’arrose tant bien que mal, l’intégrité ça ne repousse plus, tu vois ?

_ Et Michel alors ?

Stupeur dans l’assemblée, heureusement Durcker est exonéré de ce genre de formalité, donc absent ce matin, mais la sanction pour Melson ne se fait pas attendre. On ne le reverrait pas de sitôt.

_ Nan laissé cette porte fermée même s’il gratte, c’est bon, c’est toujours la même chose, on ne va pas passer la matinée à lui réexpliquer. C’est dingue ça ! En plus Michel, sinon du salaire, on l’a raboté de partout. Oui Maryse on avance, allez vas-y.

_ Donc essentiellement, les chantiers sur lesquels on œuvre avancent favorablement, nos jeux sont plutôt bien installés dans leurs cases. Nos programmes phares, ceux de Nagwi sont toujours suivis avec une assiduité croissante. Une étude ODOXA montre que 74% de nos téléspectateurs jugent peu crédible que des chanteurs amateurs puissent connaître autant de paroles sur le bout des doigts, ceci acté, ils n’ont pas déserté leurs plateaux-repas en écoutant de la merde chantée par des cons, point de vue divertissement, on est climax. Pour la case de midi, une autre étude de la même maison pointe que si moins de dix questions étaient posées pendant l’heure que dure l’émission, ça ne porterait pas atteinte à la qualité du programme tellement Nagwi rayonne de bonhomie, donc ça c’est bon à savoir. Le reste stagne, on planche sur une nouvelle saison de Fort-Boyard, seul les Chiffres et les Lettres sont en perte nette, on peut parler de chute libre, et là, pas besoin d’études pour savoir où le bât blesse, ce n’est pas à moi de le dire mais bordel Bernard qu’est-ce…

_ Nan c’est pas à toi de dire en effet, merci Maryse. C’est vrai Bernard qu’on les avait pas vu venir, entre les incartades et les sorties d’un lyrisme aussi incandescent qu’indécent, tu nous as fusillé une bonne partie de l’audimat, ça va au-delà de l’émission, les répercussions pour France3 sont innombrables et paraissent irrémédiables, moins 300.000 téléspectateurs en moyenne depuis ton craquage sur le quatrième âge. Tu as peut-être les soutiens de Nagwi et Michel, mais d’ici à tout en haut la désapprobation fait foi. Tu veux peut-être profiter que nous soyons réunis pour exprimer quelque chose ?

_ Bonjour à tous, je n’ai aucune excuse, ni même d’explication à formuler. Des problèmes persos ont pris le dessus, j’vous épargne les détails, mais Paëlla n’est toujours pas rentrée et c’est vrai que perdre mon concours de moustache n’a pas été facile à encaisser. Sinon ça va.

_ Ca va, mais on se fout qui ici ? Paëlla déjà c’est ta sœur, c’est pas comme si c’était ta femme, hein ? Excuse-moi Bernard mais faut te réjouir qu’elle fasse enfin sa vie, nan ? Pour le concours, rien à foutre, pardon mais rien à foutre de ta moustache, ça ne sera jamais une bonne explication pour faire quinze millions de vus bourré dans une brouette à Fameck ! Et enfin pour les embardées poétiques c’est en partie notre faute, je ne sais pas ce qu’ils ont foutu au montage mais j’peux vous dire que ça a dégagé, donc les techniciens sur le carreau un mois avant noël, je pense qu’on peut convenir de dire que c’est pour ta conscience, d’accord ?

_ Vous voulez que je meurs c’est ça ?

_ Mais détends-toi Oppenheimer, le calcul est simple ça fait quarante ans que tu fais bien ce que tu fais, t’avais quel besoin de bouger comme ça, c’est pas un iota, c’est pas une oreille, les gens sont choqués, d’autres blessés... Tu as pété les plombs, alors non on ne veut pas que tu meurs, on ne veut plus jamais revoir ça ! C’est tout, et ça devrait être simple, on croit rêver…

_ En même temps, arrive un âge où faut bien commencer à vivre, c’est pas ma faute moi si on peut plus rien faire sans se faire flasher. Y a pas que du négatif, vous noircissez un peu les choses, j’ai appris plein de choses avec cette virée, j’peux aussi passer ma vie sans connaître RouyBus et tous ces jeux où l’on doit faire des lignes horizontales et verticales avec des gemmes, bah bien sûr ! Et sachez que je pensais vraiment ce que j’ai dit à l’antenne le premier novembre, j’vais pas m’ébouer sans cesse…

_ Mais faut pas, pleure pas Bernard, on nage en pleine crise d’adolescence là ou bien, on dirait une perceuse à laquelle on demande de faire du jardinage. On n’a pas que perdu des téléspectateurs dans cette affaire, un renouvellement s’opère et les effets de l’émission du premier novembre sont multiples.

_ Merci Nagwi, c’est gentil.

_ Ah mais oui Nagwi, en deux semaines on perd la moitié des téléspectateurs d’un jeu qui existe depuis 46 ans mais le renouvellement est en marche, c’est vrai ça, et le revenu universel ça fonctionne aussi, putain ! « Je surfe sur le tilde de l’openfield, avant que le malgache t’arrache du lit du lisboète, Mamie fais-toi coquette ! » Mais c’est quoi son délire ?!

_ C’est pas ça que j’ai dit, et pis d’abord de cette manière là ça ne veut rien dire…

_ Bah alors tu vois, c’est pas ça qu’il a dit. Moi j’avoue que j’aime bien le nouveau Bernard Retrand, 2.0, je le trouve tout à fait rafraîchissant.

_ Nagwy, le truc c’est qu’il est censé faire des multiplications !

_ Ça on le sait, on peut aussi trouver qu’en quelque sorte ce sont des opérations, de communication !

_ Ah si tout le monde pouvait être comme toi Nagwy, tout serait facile, amusant et tellement chatoyant… Mais ça ne m’attendrit pas, on est au-delà de l’avertissement de toute façon, Bernard une rencontre avec la direction est déjà prévue mardi prochain, en gros ça sera soit t’arrêtes les conneries, soit t’arrêtes. 

_ Mardi prochain ça ne m'arrange pas car j'ai prévu d'aller à la Poste pour renvoyer le portable d'un copain kirghize de Culmont, et vous ?

_ Idem, riennaf' ! Il te faut pas la journée pour aller à la Poste de toute façon, et quelqu’un peut m’expliquer ça bordel, Melson comment t’as fait pour revenir parmi nous sans qu’une foutue porte ne s’ouvre ?

À Suivre

Et si vous avez raté tout ou partie, rattrapez-vous ci-dessous 

Burn épisode 5 - cafardages

Burn in November'11' Histoires de Bernard Retrand Si l'époque n'est pas à la panacée quant à la paix, on aurait (du moins localement) presque de quoi être plus serein qu'il y a un siècle où nous étions à un an jour pour jour de l'armistice, et donc les deux pieds dedans...

http://cafardages2.canalblog.com

Comments

[La Baladine]

J'suis pas sûre d'avoir tout compris, mais je sais que je connais tout plein de chansons par cœur et sur le bout de mes petits doigts, et même que je les chante avec les cons, et que je trouve presque toujours les paroles :-P

[monica-breiz]

je continue le feuilleton

bon dimanche pour vous

[Yves]

« arrive un âge où faut bien commencer à vivre ». Je vais afficher cette pensée dans un endroit où je pourrai la lire tous les jours.

[Hacheme26]

Ah non, pas Melson, c'est pas mon fort, celui-là !

[celestine T]

Et revoilà Melson Moinfort...hihi !

¸¸.•*¨*• ☆