La suite de notre série signée Bass Blender.
Burn in December ‘23’
Histoires de Bernard Retrand
Paëlla rentre demain, et Bernard est un peu amer avec le côté elle propose, elle dispose. Comme en plus il a ses deux semaines de vacances, il s’est dit let’s go, et un brin mesquin s’est décidé à bouger durant celles-ci, trouvant cela un peu facile qu’il soit là quand elle en a envie, alors que cela fait plus de deux mois qu’il voudrait être avec elle et qu’elle fait sa vie dans son coin. Ikzarhm lui, a trouvé sa place chez Bernard, principalement occupé à dévorer la bibliothèque, aussi, il a fait plusieurs fois le tour de la ronde des thés accumulés dans une armoire par Paëlla, tentant vainement de les partager avec son hôte, il arrive cependant à prendre soin de Bernard pour son plus grand honneur, et ça va se voir à l’écran, lors de la captation des émissions à venir, Bernard est radieux, chacun a conscience des bienfaits liés à leur cohabitation.
_ Ikzarhm, ça te dit de m’accompagner en vacances, je t’invite aux Maldives ?!
_ Arf, t’es sérieux ? Malheureusement Bernard, j’vais pas pouvoir, car j’ai une OQTF ?
_ C’est quoi ça, une « occupe-toi de tes fesses » ?
_ Bah justement ce serait plutôt l’inverse, je suis censé partir d’ici.
_ Mais je t’ai dit que tu pouvais rester !
_ Je veux dire de la France.
_ Oui quoi, vas-y dis-le ?
_ Bah les autorités ont statué sur mon cas, je suis prié de retourner au Kirghizstan.
_ Ah. Quand ?
_ J’ai jusqu’à la fin du mois, si je vais aux Maldives avec toi, je ne pourrais pas revenir ici.
_ C’est dommage parce qu’au prorata c’est bien moins cher pour deux que pour un, mais bon… Bon du coup, faut j’fasse ma valise car mon avion c’est pour cette nuit, rhâa la gueule qu’elle va faire, j’voudrais trop être là, mais on peut pas tout avoir !
Certes, Bernard est entier, mais son altruisme laisse parfois à désirer, il a ce petit côté altier qui n’importune pas Ikzarhm, car celui-ci n’est ni du genre à culpabiliser, ni de celui de faire culpabiliser, aussi droit que bien dans ses bottes, il se réjouit que Bernard voyage, également qu’il puisse souffler, même s’il appréhende de se retrouver en tête-à-tête avec Paëlla dont il n’a qu’entendu parler, mais il se dit que si elle est aussi sympa que son frère, il ne devrait y avoir aucun souci. Bernard n’ayant pas de maillot de bain s’invite à fouiller dans les affaires d’Ikzarhm, il en profite pour les transvaser dans sa chambre car Paëlla aura besoin de la sienne. Après en avoir fait le tour, il n’a pas trouvé de slip de bain mais quand même quelques affaires qui lui seront bien utiles aux Maldives, aussi, il est tombé sur un carnet qu’il a survolé avant que son attention soit retenue par une impression de déjà-vu.
_ Ikzarhm, tu vas être content je t’ai mis dans ma chambre !
_ Ah super merci, dis, ça ne va pas déranger ta sœur que je squatte chez elle, j’voudrais pas qu’il y ait de malaise, j’ai suffisamment d’amis dans les parages qui seront contents de me voir tu sais ?
_ Nan, y a aucun souci, tu es mon invité en plus. Dis, d’où ça vient « À ces chiens, beaucoup s’échinent à assigner, sur de dures et foutues, pointues machines, mômes d’or de la soudure » j’ai déjà lu ça quelque part ?
_ Tain Bernard, donne-moi mon bloc-note, t’as fouillé dans mes affaires ?
_ Mais oui, je t’ai dit que je les avais déplacées, et j’suis tombé sur ton carnet que j’ai regardé succinctement, et j’suis tombé là-dessus et j’suis persuadé de l’avoir déjà lu quelque part.
_ Ça m’étonnerait, quoiqu’attends, j’l’ai graffé à l’abribus de Culmont y a un…
_ C’est ça ! Avant de prendre mon Rouybus oui !
_ Ah cool.
_ J’l’avais pas trop aimé j’me souviens, mais là à tête reposée ça passe bien.
_ Tu aimes bien la poésie ?
_ Bah c’est mieux qu’les puzzles, mais je ne suis pas un grand fan non plus. J’aime juste Lamartine, Hugo, Vigny, ceux que j’ai lu en fait.
_ Ah oui, dans les romantiques francophones j’aime bien Gérard de Nerval moi.
_ Bof. Mais vas-y, déclame tes vers !
_ J’connais pas mes poèmes par cœur.
_ Alors lis-m’en !
_ Dans quelle fibre aimerais-tu ?
_ Heu, un qui soit dans l’esprit de Noël tiens !
_ Dans l’esprit de Noël, je sais pas si j’ai ça, euh, ah tiens si ! Alors : L’alacrité des pressions
Dégueule des égouts, mon dégoût des egos
J’en veux à mon dentier, brut comme un wisigoth,
Mais je loue mes genoux qui, si civilisés
Qu’usés, ont plagié tant de maux isolés.
Maudits biens ! Gens trouvent, utile, inaccessible,
Fondent vies si molles en chantant l’inaudible
Prouvent qu’ils n’éprouvent de desiderata
Qu’envers vœux de formol, l’âme en duplicata
Ces mausolées vivant les uns contre les autres
Se sont serrés afin de lister des apôtres,
Des élus enseignant tant de laissés-pour-compte
Ont prouvé que la faim ne justifie la honte
Quant au meilleur moyen d’être ce que je suis
(Ni Charlie, ni Paris et tout ce qui s’ensuit)
C’est d’être le païen qui tend sa redingote
À celui qui ne luit en ce clan dizygote
Longtemps je n’ai rien fait, pensant que c’était là,
La seule solution pour le corrélat
Entre l’intégrité et le bonheur honnête
Ce gâteau aux fions qu’on partage à qui pète
Liberté est pleine et entière ou bien n’est pas
L’outil juridique la condamne au trépas
Ce qui la rend vaine et tout à fait inégale
Sont les parts qu’ils manquent aux bedons sans fringale
Si la part de chacun devient la part de tous
Nul ne tient le crachoir ni ne commet d’anschluss
Si on est un taquin, attaquons les requins
On a des mâchoires pour croquer nos destins
_ Ça se termine comme ça ? C’était pas très Noël, limite ça tue le moral, t’aurais pas un poème de cul ? Enfin, j’veux dire d’amour…
_ Si, si tu veux, attends, ah voilà, ça s’intitule : Quand l’écœure, ne badine copieux
La chambre dont les longs rideaux pansent le vis-à-vis,
Elle satisfait mes envies et moque mes avis.
Soumis laisse sa demeure.
Sombre, son bel héros fond, barreau cajole à sa zone
Où tribulent ses pandiculations d’amazone,
Méprisons qu’on cache aux cœurs.
Exils de nos atolls sont l’occasion délétère,
Catalogues d’évasions et autres cathéters,
Fleur de coïts rudéraux
Gêne à jouir, suis son locataire des lésions
Car ses râles séminaux lâchés sous perfusion
Situent l’estime à zéro
_ Ça non plus j’aime pas beaucoup pour être sincère.
_ Ah bah c’est pas fait pour plaire, c’est pas grave, mais tu saurais me dire pourquoi ?
_ Bah je sais pas, comment dire, t’aurais pas un qui soit un peu gai par hasard ?
_ Ah c’est pour ça, d’accord, mais des poèmes gays j’en ai pas écrit des masses, bon, après celui-là j’arrête, ok ? Si avec ça t’es pas content je n’y puis plus rien, y a du cul comme tu dis, et c’est bien gay tu vas voir, ça s’appelle : Délie dandy capé
Péniche trimballant ses gravats nonchalants,
Le spleen, loup de fleuve seul au chadburn, l’ennui…
Les remous abreuvent cahots et clapotis
Sur ce ponton d’amants se mirant nuitamment
Délicats d’yeux s’envient pendant que Milan dort…
Si rien ne jugule l’ardeur, tiennent la corde,
Deux pouls s’accumulent, seules têtes débordent
Nu du ver, nœud des vies, pleine lune au décor
Lagunaire obscur, or aux abonnés absents
Lit d’adieux, mille envies et pourtant s’endorment
Bras bercent… Milan vit tomber son dernier orme
L’aurore s’ignore des chalands notamment
_ C’est mieux nan ? J’ai pas tout compris c’est vrai, mais je préfère quand c’est gai, et encore, là c’était pas fou-fou tu vois.
_ Ok.
_ Bon t’arrêtes alors ?
_ Bah pour tout dire, c’est que je ne montre ça à personne d’habitude.
_ T’en as peut-être un bien pour finir quand même ?
_ Mais d’où te vient ce tact Bernard ? Tu ne devrais pas boire si tu prends l’avion je crois.
_ Rhôo c’est juste un verre, allez vas-y lâche ton vers ! Tu l’as ? T’as vu ? C’est qui l’poète ?
_ T’aimes pas mais tu en redemandes !
_ Ça s’appelle l’ivresse mon pote. Hé, lis-en un dernier mais un bien ce coup-ci, tu dois bien en avoir un correct quand même dans ton fatras.
_ Ok, mais si celui-là ne te plaît pas, j’pourrais plus rien pour toi. Ça s’appelle : Bourrer ton cul, nan je plaisante, allez : Os courent
Que germe un nouveau Germain Nouveau
Que j'aime vivant, sans les moissons
Moites des gisants d’anciens caveaux,
Sans l’émoi dévot de l’échanson
Cyanodermie pour celui qui,
N’émet le souhait d’aimer le sou,
Est bien mal barré en ce pâquis
Où il n’est permis que d’être soûl
Taché dudit vin, fou attachant
Chante en vers et pour tous, même mort,
M’éprends de Gainsbourg, des contrechamps
Dont les écrivains sont corridors
De ce cher Serge, de ce Germain,
Transhument des luths, et chaque pied
Ne boite ou chute. C’est nos cousins
Qui nous hébergent sur le papier…
_ Bon j’ai encore pas tout compris, mais ça sonne bien Ikzarhm et caetera !
_ Ha ! Je ne l’avais jamais entendu celui-là, bien joué !
_ Tu sais Ikzarhm, à mon retour, on s’occupera de ton « occupe-toi de tes fesses » t’inquiète.
_ Oui, enfin tu sais y a Denis qui m’aide déjà depuis Chaumont, il voit ça en lien étroit avec la préfecture. Tu reviens quand ?
_ Dans deux semaines.
_ À ce moment-là, je serai dans l’illégalité.
_ T’inquiète, moi aussi je connais du monde…
_ Tu connais qui ?
_ Nagwy.
_ Ok.
_ Bon faut qu’j’y aille. J’boucle ma valise, j’appelle un Taxi, et Maldives me voilà ! J’compte sur toi pour le chat, de toute façon Paëlla arrive demain normalement. Oui allô, quand on parle de la louve tiens, ça va ?
_ Salut frangin, oui ça va et toi ?
_ Impec’ ! T’arrives demain.
_ Oui oui et j’ai une super surprise pour toi !
_ Moi aussi, tu verras, par contre j’suis très occupé là, j’te dis à bientôt ça marche ?
_ Bisous frangin, à demain !
_ C’est ça, bisous.
Paré au départ, dans l’euphorie Bernard a quitté Ikzarhm, son plan pour planter sa sœur va fonctionner à merveille, il trouve sa vengeance parfaite. Alors que son taxi arrive et que l’on charge sa valise au coffre, une femme prétendument journaliste interpelle Bernard pour lui dire qu’elle rédige un papier sur les stars qui luttent pour les droits des migrants et que comme ça ne se bouscule pas au portillon et qu’elle sait de source fiable qu’il héberge une personne en situation irrégulière, elle voudrait faire une interview.
_ J’ignore qui vous a dit ça mais c’est faux.
_ Ma source est fiable je crois, je dois vous interviewer.
_ J’ai un avion, je dois y aller, je ne serai pas là pendant quinze jours, on en reparle à mon retour.
_ Attendez, ne vous en cachez pas, laissez-moi vous accompagner à l’aéroport, vous n’imaginez pas à quel point l’opinion serait bouleversé par l’exemplarité dont vous faites preuve, vous êtes un héros, est-ce qu’au moins vous le savez ?
_ Allez-y montez.
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Burn in December '9' Histoires de Bernard Retrand Toutes sortes de raisons corroborent l'idée de boire du bourbon, ce, quelle que soit l'heure, quoiqu'à 9h38 Bernard trime à la trouver, surtout qu'il s'agirait du premier verre. Alors il tourne en rond chez lui, dans une heure ça sera presque l'heure de l'apéro, et là, on ne parlera plus de faiblesse.
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